Un petit tour
« Regardez, levez votre tête. »
dit une dame à une autre dans le parc de la maison de retraite.
« Venez voir les volubilis. C’est avec Anne-Marie qu’on prépare le jardin. »
J’ai commencé une nouvelle planche en reprenant cette sorte de broderie avec des mots. Mon souhait est que celle-ci épouse et met en valeur la planche que j’ai préalablement creusé, ça va être long, j’ai peur de flancher en route.
Il va falloir être bien patient,
chaque centimètre est un combat,
bon là j’exagère un peu.
Derrière moi un type dit
« Il faut faire les choses, il faut les faire. »
Je ne suis pas certain que ça s’applique à tout.
Comme il fait beau aujourd’hui, tout le monde est de sortie, les gens bavardent,
je préférerais être seul dans le silence.
Il parait que la semaine est consacrée à la lutte contre le gaspillage.
Un couple de jeunes, c’est rare l’après-midi en semaine, se balade dans le parc, main dans la main.
Les mots, des fois, sont des sources, je pense à la broderie du tableau, sauf qu’avec la pointe du pyrograveur mes rivières sont à secs, il y a l’eau pour diluer la gouache, c’est peut-être ça, l’équilibre.
A une dizaine de mètres de moi, un gars s’est installé, il semble écrire quelque chose lui aussi.
Un couple plus âgé passe devant moi à son tour,
sont-ce mes amoureux de toute à l’heure
qui ont vieilli d’un coup en faisant le tour du parc ?
Un tour, un petit tour et tu prends quarante ans.
Une femme se promène avec son chien
qui pisse et gratte la terre.
Instinct.
Un chien se promène avec sa femme
qui pisse et gratte la terre.
Folie.
Je gratte les petits morceaux de peau qui tombent de ma barbe.
Instinct.
Je me gratte comme un chien.
C’est pas joli, joli.
Les monstres sont sortis de l’école.
Je suis sorti avant vous,
sales branleurs,
et n’ai plus d’instituteur.
Ne plus penser à rien.
« Je n’aime pas cette sensation » dit une dame à côté.