cococola project

Lundi parc des oblates.

Un petit chien vient s’assoir à côté de moi sur le banc près de la fruitière, son maître m’a dit que je m’étais fait un copain. J’en suis bien heureux, j’ai toujours besoin de copains. Un cycliste passe, me souhaite le bonjour,  les créatures terrestres sont bien aimables cet après-midi.

Nous sommes en 2027, un gars de la ville arrive dans le parc avec son balai volant électrique.

Il me dit qu’il n’y a bien sûr plus le droit de fumer dans les parcs depuis 2025,
qu’il faut que j’éteigne ma clope illico
sinon il appelle la brigade des cyberdogs qui me feront vite passer l’envie de fumer.
La sainte Vierge est toujours dans le parc au milieu de la pelouse
mais depuis que le principal sponsor de la ville est coca-cola,
la pelouse est rouge fluo,
ça fait mieux ressortir les arbres dans le paysage, c’est plus déco.

Une mère et sa fille installent une slack (merci Cloé), une sangle que l’on tend entre deux arbres, je précise pour les vieux idiots.
Leur chien, un dogue français passe son temps à se rouler par terre et à se gratter le dos.
Les maîtresses commencent leur test d’équilibre, ce n’est pas bien brillant peut-être que Chinasky faisait mieux.
Je suis quand même un peu langue de pute, je ne voudrais même pas essayer, tellement je suis certain de m’affaler lourdement.
Ce ne sera pas très grave en 2027 de saigner sur la pelouse,
à moins que l’on nous ait changé le sang,
remplacé par un liquide vert, genre produit vaisselle.
Je n’ai toujours pas repris le boulot, je me demande si je suis vraiment peintre, je me demande si je suis vraiment.

Je n’ai pas vraiment de projet, je me sens bizarre,
tout le monde maintenant doit avoir des projets.
Ce n’est pas normal de ne pas avoir de projet, il vous faut des projets.
Si vous en avez pas,
des experts du projet vous trouvent le projet,
il n’est pas concevable de refuser le projet.
Si vous n’avez pas de projet,
c’est que vous êtes feignant, déprimé, suicidaire, dangereux pour le reste de la société,
donc il vous faut un projet, on ne peut pas vivre sans projet,
dire que son projet c’est vivre, ce n’est pas acceptable,
il nous faut des objectifs de vie, généraux d’abord, puis opérationnels.
Tout ça bien détaillé, argumenté, sinon on vous dit que tout cela est bien trop flou, le flou c’est mal vu.
Une femme promène son chien, un homme son nourrisson.
La femme et l’homme ont déposé leurs projets.
La taille, la longueur de la laisse  par rapport au poids du chien, le nombre de mètres à parcourir en poussette pour le nourrisson dans la rubrique « équilibre et développement cognitif ».
Le papa est jongleur, il agite trois massues devant la poussette du petit.
Comme ça le gamin, il sera habitué aux matraques dès le plus jeune âge.
Le bébé est heureux de toucher les massues de papa, il doit bien y avoir une rubrique pour ça.
Trois jeunes adultes se pointent, regardent les arbres, les feuilles, la jeune fille semble s’y connaître, elle s’y connaît en charme.
Le papa jongle pas mal, assez souvent une massue ou deux tombent mais là encore je critique alors que j’ai déjà des problèmes de motricité avec un simple ballon.
Les funambules ont deux autres copines avec deux autres dogues, plus gros, plus massifs, c’est donc un club de dogues funambules.

Cà discute, d’ici je n’entends pas leurs conversations,
j’entends juste le chant du vent sur les feuilles d’arbres.
« tu crois que la tension de la sangle est bonne ? »
« c’est toi qu’est pas bonne, t’arrives pas à me tendre ».
Un train est passé à grande vitesse en contrebas du parc.
Ce n’est pas très beau les dogues, je trouve.
Les deux copines se barrent avec les toutous en disant du mal des deux autres copines. C’est la vie.
Un ado en vélo maillot jaune nous fait des dérapages sur les gravillons des allées, ça lève de la poussière,
« petit con, j’ai pris ma douche hier,
c’est ta mère qui va payer pour le nettoyage de mon pantalon tout neuf ?  »