Sixième division ligue des pochtrons

Parc du quai de Haut-Indre, je regarde la Loire qui glisse élégamment. La marée baisse. J’ai une tristesse considérable. Tout est très calme.
Je ne peux ou veux en dire plus, des sentiments se bousculent, mon pays va mal.
Est-ce mon pays ? C’est un pays dans lequel je vis depuis que je suis né. Je n’aime pas les appartenances, les possessions, les « mon », ça me gène, ça restreint la liberté.
Hier à la maison, j’ai eu la visite de deux très vieux potes, c’était une parenthèse ensoleillée malgré les averses de l’après-midi.
Je me dis qu’il faudrait que je rebosse sur mes deux derniers tableaux, j’en sais rien, c’est le brouillard comme l’avenir français.
J’aimerais glisser sur la Loire, je me sentirais léger sûrement.
La légèreté, l’apaisenteur, ça me manque.
J’ai traîné devant la télé, la nuit dernière, je me suis gavé d’un flux d’informations et d’images, je savais que c’était très indigeste, après j’ai lu le Point même chose, j’ai eu envie de me punir, de m’autodétruire, de me faire mal, c’est con, je sais.
Je me demande ce qui vaut la peine de, ça vaut la peine, ça vaut pas la peine.
Pourquoi faudrait-il qu’il y ait de la peine, des souffrances ?

Un bateau se pointe contre le courant, le Heb Ken, son blase.
Du coup, il crée une grosse vague sur la rive, plus un guignol qui parle dans une sono, ils ont bousillé totalement ma zenitude, y’a un cormoran qui est d’accord avec moi.
C’est une croisière pour parler d’écologie à des mômes, ça remonte le fleuve moteur à fond, ça pue encore, « ah, regardez les mômes, y’a un jaguar en plastique dans un arbre, y’a pas à dire, elle est belle notre nature ! »
Bande de demeurés, c’est pas bon d’être en colère mais là je ne vois pas comment réagir autrement. J’entends derrière moi quelqu’un qui fait claquer ses boules de pétanque, c’est ça j’ai les boules. Je ne vais pas être très productif aujourd’hui, comme hier et avant avant-hier, j’ai mal à mon PIB.
Une abeille veut me butiner, je prends peur, je ne pense pas sentir la rose.
Tout le monde est divisé. Même à l’intérieur de soi, on est divisé. On est plein de divisions
Non, l’abeille m’a pris pour une angélique des estuaires, plante rare à protéger qui pousse par ici.
Un estuaire, c’est l’ouverture vers autre chose,
c’est se jeter dans quelque chose d’autre,
se diluer, ne plus s’appartenir, s’ouvrir, se donner à autrui, échanger, changer.
Un coucou fait coucou, puis se tait, puis recommence.
retour à Nantes dans la chambre atelier, le nez devant mes dernières œuvres toujours incapable de dire si c’est brillant ou navrant.
En tous cas, pour le moment, c’est, cela est, ça existe.

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